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Qui est élu s’exclut instantanément, au moins le temps de son mandat, du champ du silence. Quitte à ne rien dire ! Quitte à dire des bêtises ! Quitte à se hasarder à quelques formules valises !

Si l’on attend de l’élu qu’il agisse, ce dernier se donne comme premier objectif de dire, de parler, de communiquer, d’énoncer, de déclarer. L’individu élu se fait bavard. Tout le contraire de la parole sereine et intelligente.

L’élu se fera un communiquant omniprésent.

Si la ficelle est aussi grosse qu’usée, l’élu s’y raccroche, aussi sûrement que la plupart de ses administrés ont fini par la lâcher pour vaquer à des activités plus productive, de joie, de repos, de plaisir.

Et si parfois les choses ne bougent pas, l’élu aura remué, se sera agité, aura brassé du vent verbal.

Lors du conseil municipal de la Roche-sur-Foron du 28 juin 2023, Mme Rannard, élue de l’opposition,  exprimait interrogations et inquiétudes sur le projet du vélodrome aréna.

«  C’est vrai que PVD ( petite ville de demain) a été une belle opportunité d’avoir ce dossier pour la ville de la Roche. On sait que ça va débloquer pas mal de fonds… Ce que je regrette, c’est qu’on arrive à la fin de tous ces ateliers, pour découvrir qu’on va avoir une superstructure, je reviens sur l’aréna.

Je vois des gens qui sont contre ou qui sont pour, le débat est ouvert. On n’a pas eu la présentation de ce projet, on ne connaît pas la finalité, le budget, les impacts pour notre commune.

Comment voulez-vous qu’on se projette sur ce projet de territoire. On ne peut pas sacrifier un territoire comme ça ! »

Fin de l’intervention de Mme Rannard. Le Maire déploya tout un arsenal argumentatif aussi inopérant qu’ennuyeux.

1. S’honorer d’être plus sachant que l’autre

«  Je rappelle que PVD n’a rien à voir avec le projet aréna ». Le ton professoral en incipit d’une intervention est un classique. L’élu s’honore d’abord de mieux connaître les dossiers que son interlocutrice. Dans ce cas comme dans d’autres, nulle place possible à l’approximation.

2.  L’art du pléonasme

«  Le projet aréna sera présenté quand il sera en mesure de l’être » . S’il ne fallait retenir qu’un style formel, c’est celui ci : le pléonasme (ou répétition de la même idée). Soit l’art de tout alléguer sans prendre le risque d’être contesté. Le maire, maitre pléonasme donc,  affirme et nie en même temps. Il énonce tout et renonce à une réponse précise ; et donc ne dit rien. Ainsi le projet aréna sera présenté quand il le sera.

Comme  le train arrivera quand il arrivera. Et on aura compris son escroquerie argumentative quand on se résignera à ne rien attendre de lui sur ce sujet.

3. L’obligation formelle, l’évitement et le fantasme«  On est obligé de mentionner l’aréna dans le PVD, car si le projet aboutit , ce sera un vecteur central de ville évènement ; de la politique 1+1 avec rochexpo ».

La mention est donc une obligation réglementaire. Si Aréna il y a, ce sera assurément un vecteur central et cela aura pour effet d’attirer du monde dans le centre de la Roche. Reconnaissons la cohérence du maire, qui ne peut rien affirmer sur le vélodrome et émet l’hypothèse quant à sa réalisation. Mais nous assure que si ça se fait, ce sera une chance pour le territoire. Sans nous préciser quel type de chance, sans nous dire si les territoires qui ont accueilli un vélodrome aréna s’en  sont trouvés plus chanceux.

Les fausses formules mathématiques du type 1+1 sont prétendument l’apanage des décideurs, des hommes d’action. Surtout des calculateurs. On mathématise pour se donner du contenu. Et on renvoie l’autre à ses approximations poétiques.

4. La contradiction répétitive

«  l’Aréna n’est pas un pilier de PVD ». Ce que le maire disait au début se trouve confirmé, même si entre temps il se contredit. Et à force d’utiliser des mots valises, on ne sait plus vraiment ce qu’ils contiennent. Ainsi, Aréna n’est pas un pilier de PVD mais en serait un vecteur central. Entre le pilier et le vecteur, notre cœur balance, notre vocabulaire aussi. Et visiblement M. Le maire se perd en errements. Quel est le contenu conceptuel du pilier ? Celui du vecteur ?

5. La prudence et la carte maîtresse du conditionnel (fin de l’intervention du maire)

«  Si demain, Aréna il ne devait pas y avoir car, au bout du débat avec les citoyens, il apparaissait que ce ne soit pas justement bon pour le territoire.

On aurait pas de garantie sur le stationnement, la circulation, la prise en charge d’éventuelles nuisances, on a juste à rayer le mot Aréna du PVD »

M. Ducimetière connaît décidément bien ses classiques. On peut tout faire dire au conditionnel, et surtout on peut se hasarder à ne rien dire du tout. Le conditionnel exprime aussi bien la potentialité que les précautions de réserve, l’espoir que le regret, la non désirabilité que la mélancolie.

Dans le cas présent, soit le maire exprime une hypothèse (pour le moment, nous n’avons pas les garanties) soit il masque le réel (les garanties sont là, mais il ne peut pas les nommer).

Là où le maire nous laisse sur notre faim, c’est à propos du débat citoyen qui viendrait sanctionner ce projet.

Il n’en trace aucune ligne. Envisage-t-il des échanges avec ses administrés ? Des tables rondes ? Des comités de quartier avec des représentants de la majorité pour présenter le projet ? Des soirées type conférence sur le projet vélodrome ? Aura-t-on une présentation sur les coûts environnementaux réels ? Les coûts économiques ? Les raisons pour lesquelles telle ou telle entreprise aura emporté le projet ?

Et surtout les habitants de la Roche sur Foron auront-ils le fin mot de la décision ou comme on peut le craindre la décision reviendra-t-elle une fois de plus à une oligarchie d’élus mal élus ?

Quoi qu’il en soit, le moment venu, nous saurons rappeler à M. Ducimetière ses propos sur le débat avec les citoyens et lui demanderons des éclaircissements.

RN